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COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE MARSEILLE

N° 99MA01658

MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES

M. LAPORTE

Président

Mme LORANT

Rapporteur

M. BOCQUET

Commissaire du Gouvernement

Arrêt du 20 janvier 2004

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE MARSEILLE

(2ème chambre)

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 26 août 1999 sous le n° 99MA01658, présenté par le ministre de l'intérieur ;

Le ministre demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement en date du 8 avril 1999, par lequel le Tribunal administratif de Nice l'a condamné à payer à M. J. une somme correspondant aux frais d'utilisation de son véhicule personnel pour sa mission à Anglet sur la base des indemnités kilométriques avec intérêts au taux légal à compter du 17 février 1995

2°/ de rejeter la demande de M. J. ;

Le ministre soutient que le jugement est entaché d'erreur de droit dans la mise en œuvre des dispositions combinées des articles 29 et 31 du décret n° 90-437 du 28 mai 1990 desquelles il résulte que l'Etat ou les établissements publics nationaux à caractère administratif ne sont pas tenus d'indemniser leurs agents pour les frais de transport liés à l'autorisation d'utiliser leur véhicule personnel pour les besoins du service ; que par ailleurs les indemnités kilométriques ne constituent qu'une des modalités de remboursement des frais de transport dont l'administration a l'opportunité du choix en fonction des crédits disponibles, conformément aux prévisions de l'article 48 du même décret ; que la circulaire du 6 novembre 1990 rappelle qu'il ne saurait être envisagé d'accepter systématiquement les prises en charge au niveau maximum autorisé par le décret ; qu'en l'espèce l'autorisation d'utiliser son véhicule personnel accordée à M. JAGOUIC répondait à une commodité de l'intéressé de disposer de son véhicule sur le lieu d'une mission de longue durée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 21 janvier 2000 le mémoire en défense présenté par M. J. ;

M. J. conclut au rejet du recours du ministre de l'intérieur ; il fait valoir que pour remplir sa mission de surveillance des plages d'Anglet, il devait utiliser son véhicule personnel en l'absence de véhicule fourni tant par son administration que par l'autorité municipale ; que son chef de service l'ayant autorisé à utiliser son véhicule personnel pour les besoins du service, il peut être indemnisé, conformément aux prévisions de l'article 29 du décret du 28mai 1990, sur la base des indemnités kilométriques ; que l'article 31 du même décret est encore moins restrictif puisqu'il prévoit ce remboursement pour tous les agents ; qu'enfin l'article 35 prévoit le remboursement des frais de péage sur présentation de justificatifs ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n°90-437 du 28mai 1990 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 décembre 2003 :

le rapport de Mme LORANT, présidente assesseur ;

et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;

Considérant qu'aux termes de l'article 29 du décret susvisé du 28 mai 1990 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements des personnels civils sur le territoire métropolitain de la France lorsqu'ils sont à la charge des budgets de l'Etat, des établissements publics nationaux à caractère administratif et de certains organismes subventionnés : " Les agents peuvent utiliser leur véhicule personnel pour les besoins du service sur autorisation de leur chef de service et sous réserve que les intéressés satisfassent aux conditions prévues en matière d'assurances par l'article 34 du présent décret. Les autorisations ne sont délivrées que si l'utilisation du véhicule personnel entraîne une économie ou un gain de temps appréciables, ou lorsqu'elle est rendue nécessaire soit par l'absence, permanente ou occasionnelle, de moyens de transport en commun, soit par l'obligation attestée de transporter du matériel précieux, fragile, lourd ou encombrant. L'agent autorisé à utiliser son véhicule personnel pour les besoins du service peut être indemnisé de ses frais de transport sur la base des indemnités kilométriques prévues aux articles 31 et 32 du présent décret. " ; que l'article 31 prévoit que " Les agents autres que ceux cités à l'article précédent (c'est-à-dire les agents occupant un emploi budgétaire de directeur général, de directeur ou de chef de service d'une administration centrale)sont remboursés de tous les frais occasionnés par l'utilisation de leur automobile personnelle pour les besoins du service par des indemnités kilométriques dont les taux sont fixés par un arrêté conjoint du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget. Le paiement de ces indemnités kilométriques est effectué en fonction du kilométrage parcouru par l'agent depuis le 1er janvier de chaque année et d'après le taux correspondant à la puissance fiscale de sa voiture. " ; qu'enfin aux termes de l'article 32 du même décret : " L'agent autorisé à utiliser son véhicule personnel pour les besoins du service peut être remboursé de ses frais de péage d'autoroute sur présentation des pièces justificatives. " ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que si l'administration, à qui il appartient, préalablement à la délivrance de l'autorisation d'utilisation du véhicule personnel, d'apprécier si les conditions d'une telle autorisation sont remplies, n'est pas tenue d'accorder une telle autorisation, en revanche, dès lors qu'elle a donné cette autorisation, elle est tenue de procéder au remboursement des frais exposés sur la base des indemnités kilométriques ainsi que les frais de péage, sur présentation des justificatifs ; que les dispositions de l'article 48 du décret, selon lesquelles " l'ensemble des mesures du présent titre laissées à l'appréciation des administrations doit rester dans la stricte limite des crédits disponibles " n'ont pour objet et ne peuvent avoir pour effet que de limiter les autorisations de déplacement et non de refuser de rembourser les frais ou de les rembourser sur la base d'un mode de transport différent de celui autorisé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice l'a condamné à payer à M. J. les frais d'utilisation de son véhicule personnel pour sa mission à Anglet sur la base des indemnités kilométriques avec intérêts au taux légal à compter du 17 février 1995 ;

D E C I D E :

Article 1er : Le recours du ministre de l'intérieur est rejeté.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. J. et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

 

 

CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 243592

M. C.

M. Laignelot

Rapporteur

M. Goulard

Commissaire du gouvernement

Séance du 9 février 2004

Lecture du 1er mars 2004

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 février et 21 juin 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Philippe C., ; M. C. demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les décisions des 9 et 29 janvier 2002 par lesquelles le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et le ministre de la défense ont refusé de réviser sa pension et de lui accorder le bénéfice de la bonification pour enfants prévue par le b de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

2°) de condamner l'Etat à réviser sa pension avec effet rétroactif au jour de sa mise à la retraite ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;

Vu le Traité sur l'Union européenne et les protocoles qui y sont annexés ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

le rapport de M. Laignelot, Auditeur,

les observations de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de M. C.,

les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite : "La pension et la rente viagère d'invalidité sont définitivement acquises et ne peuvent être révisées ou supprimées à l'initiative de l'administration ou sur demande de l'intéressé que dans les conditions suivantes : / A tout moment en cas d'erreur matérielle ; / Dans un délai d'un an à compter de la notification de la décision de concession initiale de la pension ou de la rente viagère, en cas d'erreur de droit." ;

Considérant que lorsque postérieurement à la concession initiale de la pension, les bases de la liquidation viennent à être modifiées par une nouvelle décision, le délai prévu, en cas d'erreur de droit, par ces dispositions n'est rouvert, à compter de la date à laquelle cette décision est notifiée, que pour ceux des éléments de la liquidation ayant fait l'objet de cette révision ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. C. s'est vu concéder une pension militaire de retraite par un arrêté du 28 février 2000 qui lui a été notifié le 21 mars 2000 ; qu'ainsi, le délai imparti à M. C. pour exciper, au soutien d'une demande de révision de sa pension, de l'erreur de droit qu'aurait commise l'administration en ne prenant pas en compte dans les éléments de liquidation de cette pension la bonification d'ancienneté mentionnée au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, était expiré lorsque, le 20 décembre 2001, l'intéressé a saisi le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et le ministre de la défense d'une telle demande ; que si un second arrêté de concession de pension est intervenu le 15 janvier 2001, ne tenant à nouveau pas compte de la bonification litigieuse, il résulte de ce qui précède que cette décision n'était pas de nature à rouvrir le délai prévu par l'article L. 55 précité du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Considérant que si M. C. soutient que ce délai ne peut lui être opposé en vertu des dispositions de l'article 2 du décret du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers, aux termes desquelles "lorsqu'une décision juridictionnelle devenue définitive émanant des tribunaux administratifs ou du Conseil d'Etat a prononcé l'annulation d'un acte non réglementaire par un motif tiré de l'illégalité du règlement dont cet acte fait application, l'autorité compétente est tenue, nonobstant l'expiration des délais de recours, de faire droit à toute demande ayant un objet identique et fondée sur le même motif lorsque l'acte concerné n'a pas créé de droits au profit des tiers", ces dispositions, de valeur réglementaire, ne sauraient en tout état de cause avoir pour effet de faire obstacle à une forclusion qui, comme c'est le cas des dispositions précitées de l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite, résulte de la loi ; que le délai prévu par lesdites dispositions n'a pas été rouvert par la décision rendue en faveur d'un autre pensionné par le Conseil d'Etat statuant au contentieux, dont se prévaut M. C. pour demander le bénéfice de la bonification prévue au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Considérant enfin que la circonstance que, statuant sur une question préjudicielle relative à cette bonification d'ancienneté, la Cour de justice des Communautés européennes a rendu, le 29 novembre 2001, un arrêt interprétant une disposition du droit communautaire sans limiter les effets dans le temps de cet arrêt n'affecte pas le droit d'un Etat membre de la Communauté européenne d'opposer aux demandes de révision de pensions établies en violation de cette disposition un délai de forclusion, dès lors que ce délai, mentionné à l'article L. 55 précité du code des pensions civiles et militaires de retraite, s'applique de la même manière aux demandes de révision de pension qui sont fondées sur le droit communautaire et à celles qui sont fondées sur le droit interne ; qu'ainsi, M. C. n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article L. 55 seraient contraires au droit communautaire ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C. n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les décisions attaquées, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et le ministre de la défense ont refusé la révision de sa pension de retraite ; que les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. C. doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à M. C. la somme que demande celui-ci au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C. est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Philippe C., au ministre de la défense et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.